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Dernière mise à jour : 9 mars, 2024

Loi du 6 fructidor an II (23 août 1794)

C’est la loi sur laquelle se base toute la règlementation sur l’écriture et l’usage des noms de famille. Il suffit de taper « loi du 6 fructidor an II » sur un moteur de recherche pour voir la fréquence avec laquelle elle est invoquée dans nos lois.
Cette loi a créé le principe d’immutabilité du nom de famille qui, sous l’Ancien Régime, n’était qu’un nom d’usage.

Le fac-similé se trouve sur :
Gallica : Bulletin des lois de la République française, no 44, pages 5 et 6.
Google livres : Collection complète des lois, décrets, ordonnances, règlemens, avis du Conseil d’État, volume 7, pages 252 et 253, Jean-Baptiste Duvergier, 1834.
Google livres : Gazette nationale ou le Moniteur universel, No 338. Octidi. 8 Fructidor, l’an 2 de la République Française, une et indivisible. (l. 25 août 1794, vieux style), page 1387.

(No 240) LOI portant qu’aucun citoyen ne pourra porter de nom ni de prénom autres que ceux exprimés dans son acte de naissance.
Du 6 Fructidor, l’an deuxième de la République française, une et indivisible.
La CONVENTION NATIONALE, après avoir entendu le rapport de son comité de législation,
DÉCRÈTE :
Art. 1er. Aucun citoyen ne pourra porter de nom ni de prénom autres que ceux exprimés dans son acte de naissance : ceux qui les auraient quittés seront tenus de les reprendre.
II. Il est également défendu d’ajouter aucun surnom à son nom propre, à moins qu’il n’ait servi jusqu’ici à distinguer les membres d’une même famille, sans rappeler des ramifications féodales ou nobiliaires.
III. Ceux qui enfreindraient les dispositions des deux articles précédens, seront condamnés à six mois d’emprisonnement et à une amende égale au quart de leurs revenus. La récidive sera punie de la dégradation civique.
IV. Il est expressément défendu à tous fonctionnaires publics de désigner les citoyens dans les actes autrement que par le nom de famille, les prénoms portés en l’acte de naissance, ou les surnoms maintenus par l’article II, ni d’en exprimer d’autres dans les expéditions et extraits qu’ils délivreront à l’avenir.
V. Les fonctionnaires qui contreviendraient aux dispositions de l’article précédent, seront destitués, déclarés incapables d’exercer aucune fonction publique, et condamnés à une amende égale au quart de leurs revenus.
VI. Tout citoyen pourra dénoncer les contraventions à la présente loi à l’officier de police, dans les formes ordinaires.
VII. Les accusés seront jugés pour la première fois par le tribunal de police correctionnelle, et en cas de récidive, par le tribunal criminel du département.
Le présent décret sera imprimé dans le bulletin des lois.

L’infraction à cette loi (et à celles qui s’appuient sur elle) est sévèrement réprimée par le code pénal.

CODE PÉNAL (actuel)

Article 433-19 : Est puni de six mois d’emprisonnement et de 7 500 € d’amende le fait, dans un acte public ou authentique ou dans un document administratif destiné à l’autorité publique et hors le cas où la réglementation en vigueur autorise à souscrire ces actes ou documents sous un état civil d’emprunt :
1De prendre un nom ou un accessoire du nom autre que celui assigné par l’état civil,
2o De changer, altérer ou modifier le nom ou l’accessoire du nom assigné par l’état civil.

Article 433-22 : Les personnes physiques coupables de l’une des infractions prévues au présent chapitre encourent également les peines complémentaires suivantes :
1o L’interdiction des droits civiques, civils et de famille, suivant les modalités prévues par l’article 131-26 ;
2L’interdiction, pour une durée de cinq ans au plus, d’exercer une fonction publique ou d’exercer l’activité professionnelle ou sociale dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de laquelle l’infraction a été commise ;
3L’affichage ou la diffusion de la décision prononcée dans les conditions prévues par l’article 131-35.


Bien évidemment, à l’époque étaient seuls impliqués les officiers de l’état civil, les greffiers, les notaires... ce qui n’a pas empêché toutes sortes d’anomalies dans les actes de naissance, mariage, décès et donc la transformation de l’écriture des noms, et ceci jusqu’à une époque récente. En plus de ces fonctionnaires publics, il y a maintenant toutes sortes d’entreprises privées qui écrivent et déforment les noms en contravention avec le principe d’immutabilité. La loi a donc dû être revisitée pour tenir compte de la situation actuelle, en particulier du fait « informatique ». (voir par exemple la circulaire du 26 juin 1986).

Le Dalloz, édition 2004, en parle page 173, cite les articles 1, 2 et 4, dit que l’article 3 est abrogé et ne dit rien des articles 5, 6 et 7.

Les Éditions du Juris-Classeur du 15 avril 2000, paragraphe Actes de l’état civil, art. 61 à 61-4, page 7, rappellent que cette loi est toujours en vigueur. Les sanctions pénales sont celles des articles du Code pénal 433-19 et 433-22 (Livre IV, Titre III, Chapitre III, sections 11 et 12).
L’article 433-19 du Code remplace donc l’article 3 de la loi mais ne parle plus de dégradation civique en cas de récidive.
L’article 433-22 du Code remplace l’article 5 de la loi car l’infraction définie à l’article 19 fait bien partie du chapitre III.

Historique

Les tentatives de changement de nom existent depuis longtemps, mais les rois rappellent avec constance qu’ils sont les seuls à pouvoir les valider : Louis XI, puis l’édit d’Amboise, puis le code de Michau confirment l’immuabilité du nom, mais nombre de Parlements refusèrent de les enregistrer.
À la Révolution, le décret du 24 brumaire an 2, « relatif à la faculté qu’ont tous les citoyens de se nommer comme il leur plaît, en se conformant aux formalités prescrites par la loi. ». Mais la réaction ne se fit pas attendre : décret du 6 fructidor an 2, rappelé par l’arrêté du Directoire exécutif du 19 nivôse an 6, puis la loi du 11 germinal an 11. Cette dernière a été abrogée par la loi du 8 janvier 1993. L’article 1 de germinal a été très marquant : « À compter de la publication de la présente loi, les noms en usage dans les différens calendriers et ceux des personnages connus de l’histoire ancienne, pourront seuls être reçus, comme prénoms, sur les registres de l’état civil destinés à constater la naissance des enfans ; et il est interdit aux officiers publics d’en admettre aucun autre dans leurs actes. »