C’est la loi sur laquelle se base toute la règlementation
sur l’écriture et l’usage des noms de famille. Il
suffit de taper « loi du 6 fructidor an II »
sur un moteur de recherche pour voir la fréquence avec laquelle
elle est invoquée dans nos lois.
Cette loi a créé le principe d’immutabilité
du nom de famille qui, sous l’Ancien Régime, n’était
qu’un nom d’usage.
Le fac-similé se trouve sur :
Gallica :
Bulletin des lois de la République française, no 44,
pages 5 et 6.
Google
livres : Collection complète des lois, décrets,
ordonnances, règlemens, avis du Conseil d’État,
volume 7, pages 252 et 253, Jean-Baptiste Duvergier, 1834.
Google
livres : Gazette nationale ou le Moniteur universel,
No 338. Octidi. 8 Fructidor, lan 2 de la République
Française, une et indivisible. (l. 25 août 1794, vieux
style), page 1387.
(No 240) LOI portant
qu’aucun citoyen ne pourra porter de nom ni de prénom
autres que ceux exprimés dans son acte de naissance.
Du 6 Fructidor, l’an deuxième de la République
française, une et indivisible.
La CONVENTION NATIONALE, après avoir
entendu le rapport de son comité de législation,
DÉCRÈTE :
Art. 1er. Aucun citoyen ne pourra porter de nom
ni de prénom autres que ceux exprimés dans son acte
de naissance : ceux qui les auraient quittés seront
tenus de les reprendre.
II. Il est également défendu d’ajouter
aucun surnom à son nom propre, à moins qu’il
n’ait servi jusqu’ici à distinguer les membres
d’une même famille, sans rappeler des ramifications
féodales ou nobiliaires.
III. Ceux qui enfreindraient les dispositions des deux articles
précédens, seront condamnés à six
mois d’emprisonnement et à une amende égale
au quart de leurs revenus. La récidive sera punie de la
dégradation civique.
IV. Il est expressément défendu à
tous fonctionnaires publics de désigner les citoyens dans
les actes autrement que par le nom de famille, les prénoms
portés en l’acte de naissance, ou les surnoms maintenus
par l’article II, ni d’en exprimer d’autres
dans les expéditions et extraits qu’ils délivreront
à l’avenir.
V. Les fonctionnaires qui contreviendraient aux dispositions
de l’article précédent, seront destitués,
déclarés incapables d’exercer aucune fonction
publique, et condamnés à une amende égale
au quart de leurs revenus.
VI. Tout citoyen pourra dénoncer les contraventions
à la présente loi à l’officier de police,
dans les formes ordinaires.
VII. Les accusés seront jugés pour la première
fois par le tribunal de police correctionnelle, et en cas de récidive,
par le tribunal criminel du département.
Le présent décret sera imprimé dans le bulletin
des lois. |
L’infraction à cette loi (et à
celles qui s’appuient sur elle) est sévèrement réprimée
par le code pénal.
CODE PÉNAL (actuel)
Article 433-19 : Est puni de six mois d’emprisonnement
et de 7 500 € d’amende le fait, dans un
acte public ou authentique ou dans un document administratif
destiné à l’autorité publique
et hors le cas où la réglementation en vigueur
autorise à souscrire ces actes ou documents sous un état
civil d’emprunt :
1o De prendre un nom ou un accessoire du nom
autre que celui assigné par l’état civil,
2o De
changer, altérer ou modifier le nom ou l’accessoire
du nom assigné par l’état civil.
Article 433-22 : Les personnes physiques coupables
de l’une des infractions prévues au présent
chapitre encourent également les peines complémentaires
suivantes :
1o L’interdiction des droits civiques,
civils et de famille, suivant les modalités prévues
par l’article 131-26 ;
2o L’interdiction, pour une durée
de cinq ans au plus, d’exercer une fonction publique ou
d’exercer l’activité professionnelle ou sociale
dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice
de laquelle l’infraction a été commise ;
3o L’affichage ou la diffusion de la décision
prononcée dans les conditions prévues par l’article 131-35.
|
Bien évidemment, à l’époque étaient
seuls impliqués les officiers de l’état civil, les
greffiers, les notaires... ce qui n’a pas empêché
toutes sortes d’anomalies dans les actes de naissance, mariage,
décès et donc la transformation de l’écriture
des noms, et ceci jusqu’à une époque récente.
En plus de ces fonctionnaires publics, il y a maintenant toutes sortes
d’entreprises privées qui écrivent et déforment
les noms en contravention avec le principe d’immutabilité.
La loi a donc dû être revisitée pour tenir compte
de la situation actuelle, en particulier du fait « informatique ».
(voir par exemple la circulaire
du 26 juin 1986).
Le Dalloz, édition 2004, en parle page 173, cite
les articles 1, 2 et 4, dit que l’article 3 est abrogé
et ne dit rien des articles 5, 6 et 7.
Les Éditions du Juris-Classeur du 15 avril 2000, paragraphe
Actes de l’état civil, art. 61 à 61-4, page 7,
rappellent que cette loi est toujours en vigueur. Les sanctions pénales
sont celles des articles du Code pénal 433-19 et 433-22
(Livre IV, Titre III, Chapitre III, sections 11
et 12).
L’article 433-19 du Code remplace donc l’article 3
de la loi mais ne parle plus de dégradation civique en cas de
récidive.
L’article 433-22 du Code remplace l’article 5
de la loi car l’infraction définie à l’article 19
fait bien partie du chapitre III.
Historique
Les tentatives de changement de nom existent depuis longtemps, mais
les rois rappellent avec constance qu’ils sont les seuls à
pouvoir les valider : Louis XI, puis l’édit d’Amboise,
puis le code de Michau confirment l’immuabilité du nom,
mais nombre de Parlements refusèrent de les enregistrer.
À la Révolution, le décret
du 24 brumaire an 2, « relatif à la
faculté qu’ont tous les citoyens de se nommer comme il
leur plaît, en se conformant aux formalités prescrites
par la loi. ». Mais la réaction ne se fit pas attendre
: décret du 6 fructidor an 2, rappelé par l’arrêté
du Directoire exécutif du 19 nivôse
an 6, puis la loi du 11 germinal
an 11. Cette dernière a été abrogée
par la loi du
8 janvier 1993. L’article 1 de germinal a été
très marquant : « À compter de la publication
de la présente loi, les noms en usage dans les différens
calendriers et ceux des personnages connus de l’histoire ancienne,
pourront seuls être reçus, comme prénoms, sur les
registres de l’état civil destinés à constater
la naissance des enfans ; et il est interdit aux officiers publics
d’en admettre aucun autre dans leurs actes. »